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7 juin 2009

Emotions d’échafauds à Avignon en 1672 et 1695

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Le 28 mai 1672, place du Palais, à Avignon, on va exécuter un certain Pierre du Fort, condamné à être pendu pour assassinat. Il est conduit processionnellement au gibet, il gravit l’échelle, le bourreau lui passe la corde au cou :
« Après quoi, le bourreau le voulant jeter et se trouvant attaché trop court et contre les échelles et l’ayant jeté sur « l’échelle noire qu’est de la Misericorde » et ayant été repoussé et jetté par diverses fois sans qu’il le put jeter en bas des échelles pour s’être embarrassé les pieds dans les échelons, ce que voyant le bourreau lui avait couvert la face de son justaucorps et lui donnoit par dessous du genou sur l’estomac et sur le ventre. Ce que le peuple voyant qu’il le faisoit trop souffrir et croyant même qu’il l’egorgoit là-dessous avec une bayonnette pour avoir mis la main à sa poche, ému de compassion pour le patient et de furie contre le bourreau, lui jetèrent des pierres contre, et en même temps le bourreau ouvrit les deux échelles et jetta le patient en bas et lui sauta sur les épaules et le foula, pendant que la femme dudit bourreau le tiroit par les pieds de dessous la potence. Ils lui firent en même temps sortir du sang de la bouche. Mais la grêle de pierres renforça sur lui, il y en eut même qui atteignirent le pendu à la tête, ce qui contraignit le bourreau de gagner sur l’échelle de laquelle il descendit avec une si grande précipitation qu’il tomba du milieu d’icelle et donna de la tête première à terre. Voilà une foule de peuple sur lui. Il se relève avec sa bayonnette à la main, menaçant de tuer ceux qui l’approcheront ; mais après diverses chutes et s’être relevé, il est bien battu, tout barbouillé et étouffé dans le ruisseau et traîné avec grande furie et émotion du peuple jusqu’à l’Université et delà jusqu’au cimetière des Cordeliers. Son valet bien battu aussi, la tête et le corps meurtri, fut porté à l’hôpital où il est mort quelques jours après. Cependant quelques étrangers et inconnus montèrent à l’échelle et coupèrent la corde du pendu pendant que d’autres le recevoient en dessous après avoir demeuré pendu plus d’un grand « Miserere ». En même temps l’on rompit la potence, et le peuple mit en pièces l’échelle du bourreau : pour l’échelle de la Miséricorde elle fut mise bellement à terre sans aucun mal. Les enfants emportèrent avec grand précipitation la potence dans le Rhône. Cependant on demanda à grands cris du vin pour le pendu… »

Après quoi, le condamné fut ranimé et transporté dans un cimetière, puis une église, hors d’atteinte de la justice. Pour lui, l’affaire finit de façon inespérée puisque l’archevêque lui accorda sa grâce en recommandant aux officiers « d’en prendre un soin tout particulier ».

Le 19 décembre 1695, lors de l’exécution d’un certain Silvy, de Caumont, on voit se renouveler les mêmes scènes :
« l’exécuteur l’ayant jeté de l’échelle luy sauta sur les espaulles pour l’estrangler, et comme le faisant extrêmement souffrir, luy ayant monté par deux fois dessus sans l’avoir estranglé, ce qui auroit causé un grand désordre par des gens qui jettèrent des pierres contre l’exécuteur, qui s’enfuit dans le palais, et un soldat estranger monta sur l’échelle et coupa la corde avec son sabre, et en mesme temps, un garçon cirurgien luy ouvrit la veine du bras droit d’où le sang sortit fort bien; plusieurs personnes s’empressèrent pour luy donner du secours, luy ayant faict avaller du vin […] La garnison s’estant avancée, fit retirer tout le monde, et, en mesme temps, vint un ordre de la justice à l’exécuteur de l’estrangler, et pour lors luy mist de rechef la corde au cou et l’estrangla à terre. »

Léon Duhamel, Les exécutions capitales à Avignon au XVIIIe siècle, Annuaire de Vaucluse, 1890, pp.72-75.

Voir aussi article du 16 juin 2009
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