Nommé intendant d’Auvergne en décembre 1684, Pierre de Bérulle (1) arrive dans cette province avec l’intention d’y remettre de l’ordre. Stupéfait, il découvre notamment que la justice s’est singulièrement relâchée. Cent-vingt meurtres ont été commis en quatre ans. Pas un n’a été puni ! « On manque de juges dans la montagne » constate-t-il en citant l’exemple du bailliage de Saint-Flour où, faute de magistrats, les jugements se sont plus rendus. Ailleurs, un nommé Balthazar, « conseiller ruiné qui n’a que sa charge pour tout bien » dirige seul le bailliage, le lieutenant général « est à Paris depuis sept ans ! et n’exerce pas ses fonctions.»
Pour mettre un terme à cette criminalité, Bérulle lança dans toutes les directions ses hoquetons (2) et sa maréchaussée. En quelques mois il parvient à purger les montagnes, remplit les prisons et fait tomber quelques têtes pour l’exemple. (3) Le 6 mars 1686 il écrit au contrôleur général : « Nos prisons sont pleines de scélérats et de faussaires; il y en a cinquante-huit dans celles de Riom et plus de cinquante dans celles de Clermont. Il ne se passe point de semaine que nous ne donnions des exemples au public par l'exécution de quelqu'un de ces misérables.» (4)
Mais pour exécuter les sentences l’intendant a besoin d’un bon bourreau. Il renvoie l’ancien exécuteur de Riom, qui s’est montré particulièrement maladroit, et fait venir un maître expérimenté. Il s’agit de Georges Brunet, âgé de trente-trois ans, bourreau de Nevers. Comment l’a-t-il persuadé de quitter la capitale du Nivernais, où il exerce depuis une dizaine d’années, pour les montagnes d’Auvergne ? On l’ignore. Brunet est natif de Riom, ce qui facilite sans doute sa connaissance du pays. Marié à deux reprises, père de six enfants (qu’il laisse avec son épouse en Bourgogne) c’est dans doute l’appât d’un bon salaire qui l’a déterminé à accepter ce poste.
Dès son arrivée à Riom, Georges Brunet se met immédiatement au travail. Conscient qu’on ne saurait se passer de ses services, il en profite pour avancer ses exigences. Voici ce que l’intendant Bérulle écrit au contrôleur général, à son sujet, le 25 avril 1686 : "Nous avons fait venir de Nevers un exécuteur: c'est un ouvrier nécessaire en ce pays, et, comme il est habile, il veut qu'on le loge; nous n'avons pu trouver dans la ville aucune maison qu'on voulust luy louer; il menace de nous quitter. Il ne se trouve que cette maison que louoient les trésoriers de France, dont on puisse se servir; il y faut pour une cinquantaine d'écus de réparations. Je vous prie de me mander si vous trouvez bon qu'on prenne ladite maison et que j'y fasse les réparations nécessaires, ou aux dépens de ceux qui en ont joui, ou aux dépens du domaine. Cet officier est extrêmement nécessaire par l'occupation qu'on lui donne journellement, et l'on a de la peine d'en trouver qui sachent leur mestier. Un Père de l'Oratoire, assistant à la roue un criminel, pensa estre tué à coups de pierres à cause de l'ignorance de l'ancien exécuteur, qui donna plus de cent coups à ce misérable, qui languit très longtemps sans pouvoir mourir. L'on se servit, il ya quelques jours, d'une charrette et d'un cheval qu'on trouva dans la ville, pour porter aux fourches le corps d'un criminel le maistre n'a plus voulu s'en servir, et en demande le payement, qui est de 40 ou 50 [livres]. L'on a donné, sous vostre bon plaisir, cet équipage à nostre nouvel officier, qui n'en avoit point, et j'en ordonneray le payement sur le domaine, si vous le jugez à propos." (5)
Le nouveau bourreau de Riom n’exerça que pendant un an ou deux seulement. Il est encore en Auvergne le 30 janvier 1687, date à laquelle son épouse, Marguerite, revend aux Carmélites de Nevers une chambre basse située rue du puits de Saint-Trohé, dans cette ville. L’acte précise que son mari, Georges Brunet, est « exécuteur de la haute justice de la ville de Riom en Auvergne. » Toutefois, le 26 février 1688 son dernier fils, Georges, est baptisé paroisse Saint Trohé, à Nevers. Est-il déjà rentré en Bourgogne ? Le 16 mai suivant, l’exécuteur de la haute justice de Riom – dont le nom n’est pas précisé – demande à la ville « de prélever, ainsi qu'il s'est toujours fait, un droit sur les denrées, sans quoi il sera contraint de se retirer » (6) Ce que les consuls acceptent en convertissant ce prélèvement en un salaire annuel. Ultime tentative de Georges Brunet pour accroitre son traitement ? Ce qui est certain, c’est qu’il retourna en Bourgogne peu de temps après. Il reprit son poste de bourreau de Nevers et l’occupa jusqu’à son décès, en 1709.
(1) Pierre, marquis de Bérulle, vicomte de Guyencourt, conseiller du roi et maître des requêtes. Il fut intendant en Auvergne (décembre 1684-août 1687), à Lyon (août 1687-octobre 1694) puis premier président du Parlement de Dauphiné et commandant de la province. Il mourut en 1723.
(2) Corps spécial formant la garde particulière de l’intendant.
(3) Charles Felgères, Scènes et tableaux de l’histoire d’Auvergne, Paris, Le livre d’histoire, 2005, p. 319.
(4) A.M. de Boislisle, Correspondance des contrôleurs généraux de finances avec les intendants des provinces, tome 1 (1683 à 1699), Paris, Imprimerie Nationale, 1874, n°245 p.63.
(5) idem, n°269 p.69.
(6) Archives municipales de Riom, BB 90, f°11.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire