Guy Peillon, auteur de plusieurs ouvrages sur Mandrin et les
contrebandiers, vient de nous communiquer un document très intéressant trouvé
au cours de ses recherches. Nous l’en remercions. Il s’agit d’un ensemble de plusieurs
lettres du procureur du roi de Lyon donnant de curieux détails sur une série d’agressions,
parfois violentes, dont fut victime le bourreau de Lyon entre 1738 et 1740.
Précieux témoignage sur l’existence précaire et dangereuse des exécuteurs de
justice sous l’ancien régime.
A Lyon, le 5 février 1738
Sur ce qui a été remontré par le Procureur du Roi, qu'au préjudice des
défenses portées par nos différents jugements faites à toutes personnes
d'insulter, d'attaquer, ni maltraiter l'exécuteur de la haute justice de cette
ville, ni les siens, lorsqu'ils viennent dans ladite ville, ni dans la maison
dudit exécuteur, sise à la Madeleine au faubourg de la Guillotière, et
notamment par sentence rendue en la Chambre criminelle le 6 février 1738.
Néanmoins Jean Ascena, actuellement exécuteur, a été depuis quelques
temps insulté et attaqué par la populace de cette ville, entre autre les
dimanche et fêtes que le public va se promener audit faubourg de la Guillotière
et passant devant la maison dudit exécuteur, ces personnes de la lie du peuple
se donnent la licence de jeter des pierres contre la maison et dans le jardin
dudit exécuteur, d'heurter et frapper à sa porte jusqu'à vouloir l'enfoncer.
Dans laquelle maison cette populace effrénée (lorsqu'elle vient de boire)
voulait entrer et porter leurs excès et insultes et accabler ledit exécuteur et
les siens, auxquels elle ne manquerait pas de faire un mauvais parti.
D'ailleurs ledit Procureur du Roy est informé que l'on insulte et
maltraite aussi les gens de la maison dudit exécuteur lorsqu'ils viennent en
cette ville pour les affaires et besoins particuliers; et depuis peu de jours
dans une maison située rue Jérusalem, au quartier de la place de Louis le grand,
tous les gens qui occupent cette maison, leurs ouvriers et domestiques, à eux
joints des garçons charpentiers qui demeurent au bas d'icelle, se ruèrent sur
la nommée Marie Disse que ledit exécuteur avait envoyé retirer du linge chez
une couturière demeurant dans ladite maison, parce qu’ils reconnurent avoir vu
ladite Disse dans la maison dudit exécuteur, lui dirent rouler les escaliers en
l'accablant à coups de pied et de poings, même lesdits garçons charpentier ou
menuisier la frappèrent à coups de bâtons.
Comme il est de l'intérêt de la justice de réprimer cette licence
publique et d'arrêter le cours de ces entreprises ledit procureur du Roi
requiert que votre jugement du 6 février 1738 sera exécuté selon sa forme et
teneur et en conséquence faire nouvelles défenses à toutes personnes d'insulter,
d'attaquer, ni maltraiter l'exécuteur de la haute justice, ni les siens, soit
en cette ville, soit audit faubourg de la Guillotière, et pour prévenir les
suites fâcheuses que de pareils attroupements pourraient causer, ordonner que
ceux qui contreviendraient aux défenses seront arrêtés même sur le champ par
les huissiers, sergents, cavaliers de maréchaussée ou soldats du guet sur ce
requis ou qui se trouveront présents et les conduire dans les prisons de cette
ville pour le procès leur être fait et parfait, à la requête dudit Procureur du
Roi et être punis suivant la rigueur des ordonnances [...]
Sur ce qui a été remonté par le Procureur du Roi qu'il a été averti que
des gens de la lie du peuple et mal intentionnés se donnaient la licence
d'insulter en cette ville l'exécuteur de la haute justice et de le maltraiter à
coups de pierre, soit qu'il y vint, ou pour ses affaires particulières, ou pour
mettre à exécution les mandements de justice, ce qui est arrivé plusieurs fois
et notamment après l'amende honorable faite, il y a quelques mois, devant
l'église des cordeliers par le nommé Bron, bedeau de la charité de cette ville,
à laquelle il avait été condamné par arrêt du Parlement de Paris, où ledit
exécuteur aurait été en danger de perdre la vie sans le secours des cavaliers
de la maréchaussée qui sont chargés de l'escorter et même samedi dernier au
retour dudit exécuteur dans les prisons royales de cette ville qui venait de
conduire le nommé Metra devant la principale porte de l'église de Saint-Jean,
pour y faire amende honorable, à quoi il avait été condamné, ainsi qu'aux
galères pendant sa vie, par sentence rendue en ce siège présidialement et en
dernier ressort. Le valet dudit exécuteur étant sorti le premier desdites
prisons aurait été insulté par une populace attroupée laquelle lui auraient
jeté des pierres et, sans le secours de quelques bourgeois, elle se serait
portée aux derniers extrémités. C'est pour réprimer de pareils excès et
attentats aux ordres de la justice que ledit Procureur du Roi pour le du de son
ministère requiert être ordonné que défenses seraient faites à toutes personnes
d'insulter, attaquer, ni maltraiter l'exécuteur de la haute justice, tant dans
les faubourgs que lorsqu'il vient de son domicile en cette ville et qu'il y
retourne, comme aussi de s'attrouper sur son passage, ordonne en outre que ceux
qui contreviendront auxdites défenses seront arrêtés sur le champ par les
huissiers, sergents, cavaliers de maréchaussée ou soldats du guet sur ce requis
ou qui se trouveront présents et conduits dans les prisons royaux de cette
ville pour leur procès leur être fait et parfait à la requête dudit procureur
du Roy et être punis suivant la rigueur des ordonnances, requérant que le
jugement qui sur ce interviendra soit lu publié et affiché au besoin sera.
19 septembre 1740
A Monsieur le lieutenant criminel en la sénéchaussée et siège présidial
de Lyon,
Vous remontre le Procureur du Roi qu'il a été informé que lors des
dernières exécutions qui ont été faites à la place des terreaux de cette ville
des condamnés à mort, nombre de gens de la lie du peuple, tant hommes que femmes,
se seraient attroupés tumultueusement en différents endroits de cette ville,
armés de pierres et de bâtons, pour attendre l'exécuteur lorsqu'il se retirait
après lesdites exécutions en son domicile sis au faubourg de la Guillotière et
l'auraient accablé de plusieurs coups, ce qui serait arrivé lors de l'exécution
qui fut faite le 5 mai dernier du nommé Guillaume Chambert, domestique
convaincu de vol avec effraction, ensuite du jugement rendu en le présidial
ledit jour, après laquelle l'exécuteur passant à la place de l'herberie et
ayant été dangereusement blessé en différentes parties de son corps, fut obligé
de se refugier dans une maison sise rue longue pour lui servir d'asile dans
laquelle néanmoins il aurait été infailliblement assassiné par la populace, qui
le poursuivait, sans le secours des soldats du guet qui survinrent et celui des
officiers dudit quartier qui firent mettre promptement sous les armes une
partie de la bourgeoisie, lesquels ayant investi ladite maison dérobèrent
l'exécuteur à la violence effrénée de cette multitude, mais comme le désordre
en cette occasion fut si grand qu'on ne put pas distinguer ni reconnaitre
quelques uns de ces mal intentionnés cette affaire a demeuré sans poursuite,
depuis et le 6 août dernier deux particuliers prévenus de vols ayant été
condamnés au dernier supplice par sentence prévôtale rendue en le présidial et
ayant été exécutés, une partie du peuple qui avait été présent à cette
exécution aurait attendu qu'elle eut été terminée et aurait ensuite poursuivi
ledit exécuteur depuis ladite place des terreaux jusqu'au pont de la Guillotière,
à coups de pierres de nombre desquelles il aurait été atteint malgré les soins
des cavaliers de la maréchaussée commandés pour l'escorter, lesquels ayant
aperçu sur ledit pont deux particuliers saisis de pierres les auraient arrêté
et constitué prisonniers, le sieur prévôt de ladite maréchaussée aurait
commencé une procédure pour raison de cette attroupement et émotion populaires
mais ayant été ensuite déclaré incompétent par jugement du présidial du 2
juillet dernier suivant les 6e et 7e articles de la déclaration du roi du 5
février 1731 le greffier aurait du remettre au greffe de ce siège expédition de
la procédure ce qui n'a pas encore fait et comme pour prévenir les désordres
fâcheux que l'impunité de ces crimes commis par les séditieux pourrait
occasionner, il est très important de faire subir auxdits deux accusés détenus
et à leurs complices la peine qu'ils méritent. Ledit procureur du roi pour le
du de son ministère requiert attendu que la connaissance de ces délits vous
appartient que commandement soit fait au greffier de la maréchaussée de
remettre dans trois jours au greffe de ce siège expédition de la procédure
commencée par le sieur prévôt [...]
Nota : l’orthographe et la ponctuation ont été rétablis en français
moderne.
Archives départementales du Rhône, BP 3103.
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