19 décembre 2009

Rumeur ou réalité ? Une exécution secrète à Paris en 1774


C’est encore au journal du libraire Siméon-Prosper Hardy, toujours très bien renseigné sur les événements insolites de son temps, que nous empruntons cette histoire. Une exécution secrète aurait eu lieu au cœur de Paris, une nuit de septembre 1774. Simple rumeur ou faits avérés ? Notre libraire est bien embarrassé lorsqu’il rapporte ce qu’il a appris. Prudent, il préfère donner comme titre à cette affaire « Prétendue exécution à mort faite soi-disant à la Grève » Tous les acteurs de ce drame, qui n’est peut-être que le fruit de l’imagination d’esprits romanesques, ont emporté avec eux leur secret :

« Vendredi 30 septembre 1774 – On soutenoit toujours opiniatrement qu’un certain jour de ce mois, à une heure après minuit, on avoit conduit à la Grève dans un carrosse escorté de gardes et accompagné d’un petit nombre de flambeaux un particulier inconnu qui y avoit été décapité à genouil sur le pavé et sans qu’il eût aucunement été dressé d’échaffaud ; que l’exécution faite on avoit remis le cadavre dans le même carrosse en disant au cocher d’aller à l’hôtel. On ajoutoit qu’un particulier demeurant sur le quai Pelletier ayant voulu traverser la place de Grève dans cet intervalle, on lui avoit bandé les yeux et on l’avoit conduit jusqu’à sa porte. Des personnes demeurantes à la Grève asseuroient le fait de visu ainsi que d’autres qui habitoient la maison du Port Saint-Landry de l’autre côté de la rivière en face. On vouloit absolument que ce fut l’un des beaux frères de la comtesse du Barri maîtresse du feu roi (1). Celui, sans doute, qu’on avoit surnommé le Roué et qu’on soutenoit avoir été arrêté sur les frontières, se sauvant avec des joyaux de la couronne qu’il avoit escroqués à sa sœur, qui dans cette circonstance eüt passé de vie à trépas. Ce qu’il y avoit de certain, c’est qu’on entendoit plus parler de lui et qu’on ignoroit ce qu’il étoit devenu (2). La vérité du fait n’étoit pas encore éclaircie lorsque je transcrivois le présent article dont j’avois différé jusqu’à ce jour de faire mention. » (3)

(1) Jean-Baptiste Dubarry, vidame de Chalon, dit Le Roué, né à Lévignac en 1723. Il fut l’amant de Jeanne Bécu qu’il maria à son frère, le comte Guillaume Dubarry, avant qu’elle ne devienne la maîtresse de Louis XV.
(2) En réalité, il fut guillotiné le 17 janvier 1794. La rumeur n’a fait qu’anticiper de vingt ans sa rencontre avec le bourreau.
(2) Bibliothèque Nationale, Ms Fr. 6681, f°423.


1 commentaire:

  1. Quel est l'interêt d'une exécution anonyme sur une place publique, même de nuit ? Ne serait-il pas plus efficace et discret de l' effectuer à l'abri des regards ? Il y a là quelque chose qui m'échappe...

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