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A la fin de 1854, au moment où il renvoyait en Autriche les 10.000 soldats que cette puissance lui avait prêtés, depuis les événements de 1849, pour maintenir dans le devoir le pays toscan, le grand-duc Léopold II (1) prit ses précautions et fit insérer de sa propre autorité les deux articles suivants dans le code pénal de la Toscane : " Art. 96 - Quiconque commet un attentat contre le grand-duc, ou pour lui ôter la vie… est puni de la peine de mort. Art. 97 - La même peine frappe quiconque commet un attentat pour renverser le gouvernement ou en changer la forme... "
Ce n'était pas une vaine menace. Le grand-duc en rétablissant la peine de mort avait bien réellement l'intention de l'appliquer, mais comme on ne possédait pas de guillotine en Toscane, on s'adressa à Marseille pour s'en procurer une. Le secrétaire général du ministère de la justice écrivit la lettre suivante à M. Ronchivecchi, commissaire extraordinaire à Livourne :
"Le gouvernement royal ayant le devoir de prendre les dispositions utiles pour que si les tribunaux condamnent à la peine de mort, rétablie dans le nouveau code, il y ait un instrument pour l'exécution par la décapitation.... vous êtes invité à charger le consul du grand-duc à Marseille de se procurer cette machine, en priant l'autorité administrative locale d'autoriser cette opération et d'accorder toutes les facilités...." (2)
M. Ronchivecchi s'empressa de passer la commission à M. Ansaldi, consul général de Toscane à Marseille, et celui-ci s'occupa aussitôt de remplir cette délicate mission. Il ne commanda pas une machine neuve; elle aurait coûté trop cher. Il en chercha une d'occasion qu'il trouva à Saint-Flour (3) et paya 142 fr. 50. Le tout rendu à Livourne, avec les frais d'emballage, de transbordement, de transport, de débarquement, etc., revint à 419 fr. 10.
La guillotine arriva à Livourne le 11 mars 1855 sur le vapeur Philippe-Auguste. Sur les quatre caisses contenant la machine démontée, on avait écrit: "Instruments hydrauliques". Ces caisses furent envoyées à Florence quelques mois après leur arrivée et, le 11 avril 1856, le directeur du fisc, par ordre du ministre de la Justice, enjoignit au directeur des prisons des Murate de faire construire l'échafaud sur lequel devait être placé la machine, afin de pouvoir s'en servir. Il ajoutait de faire ensuite essayer l'instrument.
Les ouvriers florentins employés à ce travail mirent dix-neuf jours pour s'acquitter de leur tâche, ce qui montre bien qu'ils n'en avaient pas l'habitude. Le 15 juin, le directeur des prisons avisait sa hiérarchie que le "maître de justice" avait le matin même essayé la guillotine, montée dans la cour la plus reculée de l'établissement. L'essai avait été fait avec des tas de papiers placés sous la lunette. Il joignait à sa lettre un certificat du maître de justice, attestant que tout était prêt et en bon état.
On ignore si cette guillotine fut utilisée. Elle n'est pas banale l'histoire de cette machine quittant Saint-Flour sous l'étiquette "instruments hydrauliques" pour aller échouer à Florence et y être sans doute détruite.
(1) Léopold II, archiduc d'Autriche né le 3 août 1797, grand-duc de Toscane le 18 juin 1824.
(2) M. L. Forcade, La peine de mort en Italie, Le Petit Marseillais du 5 septembre 1909.
(3) Par suite du décret du 20 juin 1854 réduisant le nombre des instruments de justice à un par cour d'appel, celui de Saint-Flour, qu'une expertise avait jugé en bon état, avait été remis au Domaine pour être vendu au profit de l'Etat.
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