22 juillet 2009

La guillotine à Rouen sous le consulat


En 1802, sir John Carr, un voyageur anglais, découvre la France, la Normandie et... la guillotine. Voici le récit d’une exécution dont il fut le témoin à Rouen (1) :

« En traversant la place du Marché, je vis conduire à l'échafaud un misérable que j'avais vu condamner le matin. Il était assis sur une charrette, en chemise, dont le collet était renversé, les bras liés derrière le dos, les cheveux coupés courts, pour qu'il n'y eût aucun obstacle au choc du couperet fatal; un prêtre était placé sur une chaise près de lui. Ce triste et pénible spectacle semblait causer peu d'émotion dans le marché, dont le trafic continuait avec son activité ordinaire; les femmes, devant leurs éventaires, qui s'étendaient jusqu'au pied de l'échafaud, ne paraissaient préoccupées, pendant la terrible cérémonie, que du souci de vendre leurs légumes le plus cher possible. Un détachement de garde nationale, quelques gamins, quelques flâneurs entouraient l'échafaud, de cinq pieds de haut, sur lequel était dressée la guillotine. Aussitôt que le condamné l'eut gravi, il fut placé, par ordre du bourreau (2), sur une planche faite comme un volet; il y fut attaché, puis mis à plat, et son cou fut introduit dans un cercle de fer dont la partie supérieure fut rabattue sur lui; un rideau de cuir noir recouvrit sa tête, au-dessous de laquelle un entonnoir communiquait avec un tube destiné à faire couler le sang sous l'échafaud. Le bourreau tira alors une longue et mince cordelette de fer communiquant avec la partie supérieure de l'instrument, et en un clin d'œil une lourde hache, en forme de triangle, tomba. Le bourreau et ses aides placèrent alors le corps dans un cercueil à demi rempli de son et presque entièrement taché de sang provenant des exécutions précédentes; ils y joignirent la tête qui avait été recueillie derrière le rideau dans un sac, et remirent le tout aux fossoyeurs, qui l'emportèrent au cimetière.
La rapidité de ce mode d'exécution peut seule le recommander. En Angleterre, les criminels condamnés à la potence se tordent dans les convulsions de la mort pendant une période de temps qui fait frémir... La guillotine est très préférable au sauvage supplice, autrefois en usage en France, où l'on brisait les membres du criminel pour le laisser expirer sur la roue, dans l'agonie la plus poignante.»

(1) Les anglais en France après la paix d’Amiens, impressions de voyage de Sir John Carr (Etudes et traduction d’Albert Babeau), Paris, Plon, 1898, pp.127-129.
(2) A cette époque le bourreau de Rouen était Charles-André-Louis Ferey (1762-1811). Il occupa ces fonctions de 1796 jusqu’à son décès, en 1811. Il habitait 11 rue de la Truie.


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