21 juillet 2009

Une exécution ordinaire


Les archives judiciaires de l'ancien régime constituent une source majeure pour qui s'intéresse aux histoires criminelles du passé. On peut y trouver notamment des récits d'exécutions plus ou moins détaillés. Voici un document inédit (1), pas forcément spectaculaire, mais qui comporte quelques petits détails susceptibles de nous aider à mieux connaître le mode opératoire des bourreaux d'autrefois.
Le condamné se nomme Michel-Daniel-Henri de Ruxton. Il est irlandais et premier lieutenant "à la charge de capitaine en second" dans le régiment de Saxe Infanterie. Le 9 septembre 1754, ayant rencontré par hasard Pierre-Philippe Andrieux, écuyer, seigneur de Maucreux (2), avec qui il a été en procès, il l'a aussitôt mis en joue et lui a fait sauter la cervelle d'un coup de fusil. Jugé deux mois après, il a été condamné à être roué vif en place de Grève. Sentence confirmée le 26 novembre 1754 et exécutoire dès le lendemain.
Ainsi, le mercredi 27, à trois heures et demie de l'après midi, l'irlandais arrive en Grève tenu, par le bras droit, par le bourreau, accompagné de l'autre côté par un confesseur. Il porte un habit vert avec un bonnet de laine qui lui couvre les yeux. A cette époque il est courant que les condamnés aient le visage dissimulé en public de façon à ce que leur anonymat soit préservé. Selon la procédure, il se rend d'abord à l'hôtel de ville pour d'éventuelles et ultimes révélations. Ce qui dans le cas de Ruxton paraît superflu. Il y reste quand même une demi-heure avant de monter sur l'échafaud. Là, l'exécuteur l'attache sur une croix de Saint-André "après qu'on lui eut couvert les yeux avec sa veste". On lui passe ensuite une corde autour du cou avec laquelle, suivant le rétentum de l'arrêt, on pourra discrètement l'étrangler. Pour sa part, le confesseur se tient à l'écart, sur un coin du plancher. Au premier coup de barre un valet du bourreau, placé sous l'échafaud, actionne le moulinet du garrot et instantanément le supplicié suffoque "en sorte qu'il n'y eut plus en luy que l'animal qui dut souffrir". L'exécuteur peut alors abattre sa lourde barre de fer et briser systématiquement tous les membres du condamné. Pendant toute la durée de cette opération qui dure pendant près de trente minutes, "l'exécuteur mit plus de 20 fois la main sur le cœur du patient pour voir s'il avait encore quelque signe de vie." En lisant ces précisions on réalise que, contrairement à ce que l'on a souvent écrit sur le supplice de la roue, le condamné qui bénéficie d'un rétentum ne meurt pas immédiatement suite à son étranglement. Il est plongé dans une sorte de coma qui lui évite la douleur physique et ne succombe que sous les coups. Quand le bourreau constate que Ruxton est bien mort il en avertit son confesseur qui se retire à l'hôtel de ville. Enfin, le cadavre est détaché et placé sur une roue où il reste exposé pendant environ une demi-heure.

On trouve la narration de cette affaire dans le journal de Barbier, qui ne s'étend pas sur les particularités de l'exécution :
"Mercredi 27 novembre, on a rompu vif, en exécution de l'arrêt de la veille, les Grand'chambre et Tournelles assemblées, le sieur Henry Ruxton, gentilhomme irlandois, âgé de vingt-trois ans, bel homme et bien fait, né, dit-on, à Saint-Germain-en-Laye, pour l'assassinat prémédité par lui, commis le 9 septembre dernier, de M. Andrieux, avocat au Parlement, qui étoit sorti de l'échevinage au mois d'août […] On comptoit assez qu'il ne seroit peut-être que décollé, parce qu'il n'y avoit point de vol […]; c'étoit d'ailleurs un fort mauvais sujet, et le crime paru si noir, qu'au contentement du public, la sentence du Châtelet a été exécutée et confirmée, et le Parlement n'y a pas perdu de temps. On dit cependant qu'il a été étranglé sur l'échafaud aussitôt les coups. Il a paru mourir en repentant et bon chrétien." (3)

(1) Archives Nationales, AD III 8, pièce 99.
(2) commune de Faverolles, dans l'Aisne.
(3) Chronique de la régence et du règne de Louis XV ou journal de Barbier, sixième série (1754-1757), Paris, Charpentier, 1866, pp. 72-75.
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